Le lieutenant François Thomas et tous les autres
Commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale
Geraldi Leroy, auteur de la biographie Péguy l’inclassable - La prise de distance avec Jaurès et le socialisme officiel
Deux de ses meilleurs spécialistes, qui ont animé une rencontre autour de l'auteur de Notre jeunesse, le samedi 20 septembre 2014 à l'Auditorium, livrent ici quelques éléments...
Questions à Damien Le Guay, auteur de " Les héritiers de Péguy" et à Geraldi Leroy, auteur de "Charles Péguy, l'inclassable"
Intellectuel engagé, Charles Péguy a pris position pour Dreyfus. Militant socialiste,
il s’élève ensuite contre le pacifisme de Jean Jaurès. Anticlérical, il finit par renouer avec le catholicisme et se rapproche du conservatisme. Quel était le fil conducteur de Péguy ?
Damien Le Guay : Hier comme aujourd'hui, il est un formidable stimulant intellectuel, d'un de nos meilleurs exhausteurs républicains - pour avoir toujours défendu Dreyfus sans avoir perdu de vue les exigences de la vie en société, pour avoir critiqué l'argent-corrupteur et la domination "du point de vue" historique sur toutes les sciences dites humaines.
Aujourd'hui comme hier, il est présent dans les débats relatifs à l'Éducation nationale, la Nation, la République, les injustices commises contre un seul individu, quand il est question du christianisme et du "monde moderne", de la conciliation entre l'Eglise et la République, Péguy est là. Là contre les cités injustes. Là contre les chrétiens trop embourgeoisés. Là contre ceux qui détestent le "roman national" - comme nombre d'historiens de la nouvelle génération, dont Vincent Duclert. Là contre la prolifération des mémoires particulières - ce que voit bien Pierre Nora et dénonce Jean-Pierre Rioux. Là. Toujours là. Alors, lisons-le, relisons-le. Il y a dans ses pages de nombreux reproches hautement fondés contre notre monde actuel. Le lire suffit à alimenter dix procès contre l'époque, à donner du grain à moudre à tous nos débats actuels, à faire apparaitre une ou cinq ou dix raisons contre ce que nous sommes devenus.
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les débats de la rencontre pour lire Geraldi Leroy, auteur de la biographie Péguy l'inclassable.
Lire
Les héritiers de Péguy par Damien Le Guay. Editions Bayard.
Péguy l’inclassable par Geraldi Leroy. Editions Armand Colin.
Charles Péguy, né le 7 janvier 1873 à Orléans, est un écrivain, poète et essayiste français. Anti-pacifiste, profondément républicain, dreyfusard militant, membre du parti socialiste, il fonde les Cahiers de la Quinzaine en 1900, réfutant le marxisme et fustigeant le "parti intellectuel". Profondément mystique, il revient à la foi catholique en 1908.
En quoi les mots de Péguy sonnent juste cent ans après ?
Damien Le Guay : Il est un visionnaire inclassable. Il avait un coup d'avance. Il pensait déjà le monde de demain. Ses textes sont truffés d'immenses fulgurances prophétiques. Il y a cent ans, il annonçait notre monde d'aujourd'hui. Depuis cent ans, il ne cesse, dit de lui Edwy Plenel, d'être actuel - au point de déranger. En 2014, il reste un insurgé visionnaire. Un libertaire ordonné. Un indispensbale compagnon de route. Un lanceur d'alertes. Un vigilent républicain. Un socialiste fransciscain. Un chrétien de la cité harmonieuse. Et ceux qui voudraient le "ranger" dans une boîte, dans un monde révolu, d'avant la Première Guerre mondiale, se trompent. Il faut avoir le courage de le lire pour qu'il vous éclate à la figure dans sa fraîcheur de pensée et la justesse de sa compréhension du monde.
Geraldi Leroy : L'actualité ne cesse de nous renvoyer aux idées-forces de Péguy: en particulier l'exigence d'un comportement moral en politique, la dénonciation de l'argent comme instrument spéculatif, le refus de l'esprit de système et par-dessus tout une aspiration irréductible à la liberté.
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les débats de la rencontre pour lire avec Geraldi Leroy, auteur de la biographie Péguy l'inclassable et Damien Le Guay, auteur de l'ouvrage Les Héritiers de Péguy à l'occasion du centenaire de sa disparition.
Charles Péguy s’engage dès la mobilisation, en août 1914. Cela reflète son désir absolu de servir son pays ou un mouvement patriotique généralisé au début de la guerre ?
Damien Le Guay : Le 5 septembre 1914 cet antihéros insituable, aux références inhabituelles, en conquête de lui-même et en guerre de mouvement contre la plupart de ses maîtres et amis, devint, du jour au lendemain, un héros de la Patrie en danger. Il fit son entrée par la grande porte de l'Histoire, s'introduisit dans la galerie des " grands hommes " de France. Comment ? Pour avoir fait corps avec la Nation en danger, avec la France en guerre. Lui le franc-tireur s'enrégimenta ; lui le déserteur des "nobles causes" fut incorporé ; lui qui détestait obéir aux injonctions des chefs (politiques ou religieux) devint pour toujours lieutenant ; lui qui abhorrait les pensées uniformes revêtit son uniforme bleu et rouge ; lui qui était un insoumis intellectuel prit la tête de son régiment ; lui qui refusa de marcher au pas défilait au pas cadencé. Cette mort " au champ d'honneur" donna à son oeuvre une coloration nationaliste, cocardière, sacrificielle, militariste qui, si elle existe bel et bien, ne la reflète pas, sinon partiellement, et, doit être équilibrée par tout le reste : ses nombreuses insoumissions, révoltes, indépendances d'esprit et anarchismes de pensées.
La vie étudiante à Paris, les années de formation, découverte du socialisme.
Le retour à la foi, les prémices de la Grande guerre.
Damien Le Guay, auteur de Les héritiers de Péguy - Le basculement de 1910, publication du Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc
Damien Le Guay, auteur de Les héritiers de Péguy - Notre jeunesse, retour sur l'affaire Dreyfus 10 ans après, où Péguy signifie qu'il n'a pas abandonné le socialisme pour la foi, mais que les deux mystiques se rejoignent
Charles Péguy, cent ans plus tard
Charles Péguy meurt au combat dans les premiers mois de la guerre, le 5 septembre 1914, à l'âge de 41 ans. Il laisse une oeuvre engagée et visionnaire, poétique et mystique, à redécouvrir à l'occasion du centenaire de sa disparition.
Le lieutenant François Thomas et tous les autres